Les médias bruissent des échos du « Grenelle de l’environnement ».Peu d’entre eux ont mis en lumière la présence significative de Wangari Maathai, aux côtés de Al Gore. Pourtant, l’une et l’autre ont reçu le prix Nobel de la paix pour la défense de l’environnement ; de plus, tous deux sont des figures emblématiques de la situation socio-économique de notre monde : l’une est la représentante d’une Afrique en butte à la misère, l’autre vient d’un continent riche et trop souvent exploiteur des plus pauvres. La nature commune de leur combat est une note d’espoir.
Wangari Maathai est née le 1er avril 1940 ; ses parents sont de petits fermiers installés sur les pentes forestières du mont Kenya. L’omniprésence de la forêt va jouer un rôle important dans l’évolution intellectuelle de la jeune kenyane.
Après avoir fréquenté des écoles catholiques où sa vivacité d’esprit est remarquée, elle part pour l’Allemagne et les Etats-Unis à la fin des années 50. Elle obtient un doctorat de biologie. En 1963 le Kenya devient indépendant. Elle est nommée à l’université de Nairobi et en 1976 Wangari Maathai est la première kenyane à porter le titre universitaire de « docteur »Mais son divorce mal perçu dans un pays où il ne fait pas encore bon d’être diplômée et indépendante la réduit au chômage. A la même époque, elle prend conscience des ravages de la déforestation et se lance dans l’action militante.
En 1977, Wangari Maathai crée le mouvement « Ceinture verte ». Il a l’originalité de viser à accomplir deux objectifs : combattre la déforestation et défendre les droits des femmes L’érosion des sols, l’avancée du désert, la pollution des eaux entraîne un désastre humain : manque de bois pour se chauffer et se nourrir, pauvreté, famine. Aussi, elle apprend à des femmes de plus en plus nombreuses à planter et soigner des arbres Grâce à cette compétence, elles deviennent autonomes. A ce jour, trente millions d’arbres ont été plantés au Kenya.et des milliers de femmes travaillent dans les pépinières. Ses méthodes ont été reprises dans d’autres pays africains comme l’Ethiopie, le Lesotho, le Malawi, l’Ouganda et la Tanzanie.
Cette action lui a valu injures, coups, procès parce qu’une femme ne doit pas contester les décisions des responsables masculins. Plus grave : Wangari Maathai prend une part active à la vie politique : dénonciation de la corruption des dirigeants, défense des droits fondamentaux ( liberté de pensée, d’expression, égalité hommes/femmes ) En 1997, elle tente d’unir l’opposition à la présidence musclée de Daniel Arap Moi. C’est un échec car elle constate que le Kenya n’est pas prêt pour la démocratie ; en particulier, entretenir les conflits entre les ethnies est un fléau hérité du colonialisme qui permet aux gouvernants de conserver le pouvoir.
Désormais, elle agit au sein d’organisations environnementales et d’associations de femmes. Elle participe au Sommet de la Terre à Rio en 19992, joue un rôle important dans es commissions internationales consacrées au développement durable.
Après le départ de Daniel Arap Moi, Wangari Maathai est élue députée écologiste en 2002 ; en janvier 2003 elle est nommée ministre adjoint à l’Environnement, aux Ressources naturelles et à la faune sauvage. En 2004 elle reçoit le prix Nobel de la paix. Malgré la reconnaissance du bien- fondé de son action inlassable, dans une interview donnée au Courrier de l’U.N.E.S.C.O., elle souligne la nécessité pour l’Afrique de choisir des «des gouvernants altruistes et visionnaires, soucieux du bien-être du peuple. » et n’hésite pas à fustiger la responsabilité désastreuse des multinationales qui prônent un modèle économique, contribuant selon elle « au pillage des ressources naturelles ».Quant à l’aide étrangère, « elle relève surtout de l’assistance thérapeutique (…) et ne verse presque pas d’argent pour un développement humain durable »
Ténacité, courage, défense de la démocratie, affirmation des droits fondamentaux de la personne, unissent ces deux femmes. De plus, elles n’ont jamais appelé à user de la violence pou r que les individus soient maîtres de leur vie et ainsi libèrent « leur énergie créatrice »
Enfin, il n’est pas indifférent que, viscéralement attachées a leurs continents et pays respectifs, Aung San Suu Kyi et Wangari Maathai soient les figures emblématiques d’un humanisme universel.