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LE PRIX ANNIE ERNAUX 2004
CATEGORIE JUNIORS
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1) Cent cinquante et un textes |
2) Les motifs de non conformité
: |
3) Les principales sources
d’inspiration : |
4) Les textes sont de qualité
très inégale |
5) La thématique
: |
-La violence
issue de l’environnement urbain, le phénomène
des bandes : |
-Les thèmes
« naïfs »et l’humour : |
-La famille idéalisée,
la nostalgie de l’enfance : |
-La nature et sa protection,
le monde animal : |
-La magie, le fantastique,
l’univers du conte |
-La drogue, le SIDA,
la maladie, la mort : |
-La menace atomique,
le terrorisme, le mal-être des adolescents : |
-Le triomphe
de la technologie, les cités de l’espace,
les cités sous-marines : |
-Le monde africain,
la vie nomade, l’esclavage : |
-Le sport : |
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1) Cent cinquante et un textes
ont été soumis à la sagacité
du jury des lecteurs, qui en a examiné la conformité
par rapport au règlement, selon le critère
du genre (une nouvelle) et du thème (dans le
cadre d’une cité imaginaire où l’auteur
aimerait vivre aujourd’hui ou demain).
Sur les cent cinquante et un textes en compétition,
cinquante-neuf (39%) ont été jugés
non conformes par une majorité des jurés,
cinquante-huit supplémentaires étant rejetés
par au moins un membre du jury.
La présentation, le vocabulaire, l’orthographe,
l’originalité, la sensibilité et
le style ont servi à affiner le jugement porté
sur les différentes œuvres proposées.
La notation des jurés s’échelonne
de deux à vingt. Deux textes obtiennent la note
maximale d’au moins un juré et quarante
d’entre eux (26%) se voient attribuer dix sur
vingt en notation moyenne. La note moyenne maximale
est de 16,3.
Après de douloureuses ( !) délibérations,
vingt-six candidat(e)s ont été sélectionné(e)s
pour le jury final.
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2) Les motifs de non conformité :
On peut constater que beaucoup de textes ont été
écartés pour les motifs suivants :
- La confusion entre cité idéale et/ou
imaginaire ;
- Le cantonnement du récit dans un cadre réel
;
- La présentation d’une oeuvre autobiographique
ou d’un conte fantastique en lieu et place d’une
nouvelle (pas de fiction ni de personnages animant l’intrigue
et/ou absence de chute originale).
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3) Les principales sources d’inspiration
:
Les textes proposés font souvent référence
:
- à la science-fiction, aux jeux vidéo,
à la magie, au fantastique (sorciers, elfes,
trolls et autres créatures similaires…).
- à la technologie du futur (les véhicules
qui roulent et qui volent tout à la fois, le
télé portage, la vitesse infinie de
communication, l’informatique et ses aléas,
les navettes spatiales et tout ce qui a trait au monde
de l’espace, la robotisation, la domotique,
l’architecture futuriste, spatiale ou sous-marine.
- à l’environnement, à la nature
et à sa préservation, au monde animal.
- à la nostalgie de l’enfance et de la
famille.
- aux mythes légendaires.
Mais la noirceur et la violence règnent également
en maîtres dans les récits : déprime
du quotidien, décomposition du milieu familial,
conflits dans les cités, bandes rivales ; on
peut même lire des histoires inspirées
des films d’horreur et allant jusqu’à
comporter des scènes d’anthropophagie
(« Une nuit à San Siro » n°28
- « Lilibys slow » n°63), de
langues coupées (« Silence innocent »
n°115), de tueurs en série (« Protectoria
» n°22)…
Le genre « polar » est fréquemment
reproduit notamment dans :« La tueuse mystérieuse
» n°13 - « La nouvelle »
n°14 - « Petit » n°23 -
« Lunatik » n°24 - « Jalousie
» n°40 et « La randonnée »,
sorte de « Soleil vert » en raccourci,
n°122 .
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4) Les textes sont de qualité très
inégale, souvent très marqués
par les incorrections de la langue et une orthographe
désastreuse, certains en devenant quasiment
illisibles. De même, le style est parfois très
maladroit ; les meilleurs textes, en ce domaine, sont,
hélas, hors sujet.
Ceci n’enlève rien à la force
et à la maturité de nombreux autres
récits qui présentent, malgré
leur brièveté, une vision appuyée
par des images poignantes de pessimisme dans le présent
comme pour le futur.
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5) La thématique :
-La violence issue de l’environnement
urbain, le phénomène des bandes :
« La vie est belle » (n°27) se passe
à Dreamcity où Keumar continue à
« grapher » malgré les «
fanas de l’éponge savonnette »
car cette « superpropreté » idéale
n’est que la contrepartie, à ses yeux,
de la pollution que génère la ville
et contre laquelle rien n’est fait. L’auteur
conclut : « La vie est belle, le monde pourri.
La vie parfaite n’est qu’utopie ».
A « Alone-City » (n°111), Max survit,
au milieu des rats, dans les ruines de sa ville dévastée,
en s’adonnant à la drogue. L’auteur
conclut, par la voix de son héros, ce texte
de révolte : « Jamais il ne subira l’autorité
de cette société bien ordonnée
».
On retrouve ce même esprit de révolte
dans « Hôtel commissariat » (n°55)
où le héros « rêve d’une
cité où l’on fait de sa passion
sa vie ».
Dans « Ma ville sans violence » (n°69),
Tania rêve d’une « ville qui jamais
n’existera », sans chômage, sans
échec scolaire, sans drogue, sans armes et
« où chacun se respecterait ».
Il y ferait toujours beau pour que « la joie
règne dans les rues ».
Dans « L’expérience 27-A »
(n°84), l’informatique doit programmer l’amour
et permettre d’annihiler la violence et la haine.
« Une rue que je ne connaissais pas »
(n°7) présente les « Alliendés
» et les « Templiers », bandes rivales,
qui se réconcilient autour d’un jeune
couple d’amoureux issus des deux groupes opposés.
Dans « Ma cité, mes Minguettes, ma vie
» (n°137), les jeunes de la cité
organisent une grande fête pour restaurer leur
image.
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-Les thèmes « naïfs »et
l’humour : Les villes en sucreries
surgissent dans : « La cité du bonheur
» (n°70), « La planète de rêve
» (n°93), et « Plaisir gourmand »
(n°126) avec son école « Jeff de
Bruges » ( !). La ville est en playmobiles dans
« Souvenirs d’enfance » (n°89).
Avec: « Le concours » (n°60), l’auteur
se moque gentiment de notre concours qui l’oblige
à imaginer sa ville idéale et conclut
: « La ville sera merveilleuse parce qu’elle
sera habitée par des gens merveilleux ».
L’humour n’est peut-être pas toujours
volontaire : Dans « Futur proche » (n°25),
seul le hamburger du futur semble être différent,
le robot est « plutôt mince » et
le héros accidenté est secouru par une
« ambulance venue spécialement »
pour lui.
Dans « Ma cité à moi » (n°134),
on remonte le temps comme on remonte une montre avec
le risque merveilleux d’oublier l’heure,
les chats sont roses et bleus et on y trouve des tennis
pour escargots.
« La cité des accords » (n°32)
nous présente une distrayante ville musicale
où « le tempo de la cité va trop
vite » et où l’on décide
en final de gouverner dorénavant la cité
« par un silence pur et céleste ».
Dans « Une pancarte en grève »
(n°5), une pancarte qui parle nous offre sa vision
originale d’une manifestation syndicale.
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-La famille idéalisée, la
nostalgie de l’enfance : Dans «
Souvenirs du futur » (n°48), l’auteur
conclut : « Rien ne remplace une famille, pas
même le meilleur des mondes ». On peut
également se référer à
« Bouleversement heureux » (n°1),
évoquant les retrouvailles de deux sœurs
jumelles, à « La nouvelle » (n°16),
portant sur la découverte du père inconnu
et à « Au paradis » (n°43)
où le paradis du héros est là
où vit sa mère inconnue.
Dans « Venussima » (n°75), Eloïse
rêve de ce grand frère qu’elle
a si peu connu. Avec « Retour aux sources »
(n°92), Mary nous invite dans la ville familiale,
reflet de son enfance.
Une autre vision de la famille perdue apparaît
dans « Vu d’en haut » (n°110).
Choisir entre la famille ou le travail, c’est
le rêve de Jenny dans « Huit heures de
rêve » (n°121). Kablé vit dans
une ville africaine et rêve d’une cité
idéale qu’il ne connaîtra jamais,
surtout après la mort de sa mère («
Ma mère est morte » n°130).
« Lann styvell » (n°2) nous entraîne
enfin sur la terre bretonne idéalisée
par la magie de l’enfance.
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-La nature et sa protection, le monde animal
: « Stadslost » (n°37) et
« Les plantes » (n°38) sont des hymnes
au monde végétal; on trouve aussi le
rêve de nature comme monde idéalisé
dans « Au pays de Komaya » (n°3) ou
« Saisons » (n°18).
On peut également citer « Bicyclettes
» (n°44) sur la ville où le vélo
est seul mode de déplacement et « Après…
» (n°56) où le paradis naturel correspond
à « ce qu’on appelle mort sur la
terre ».
Les chevaux sont les vedettes de: « Une vie
gâchée » (n°19) et «
Un monde presque parfait » (n°20) même
s’ils y sont martyrisés. « Chien
perdu » (n°4) porte un regard nouveau sur
la banlieue vue par les yeux d’un caniche.
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-La magie, le fantastique, l’univers
du conte, l’appel au rêve ou
au film en tournage comme motif de chute : on rencontre
ainsi, pêle-mêle le cristal de vie dans
« Le monde de Klirka » (n°35), les
cristaux protecteurs de la cité des sorciers
dans « Le monde de Linsey » (n°36),
la fenêtre maléfique dans « La
fenêtre de l’étrange » (n°26),
la pierre magique et les vampires de « L’histoire
de Georges » (n°50), les étoiles
et les licornes dans « Vie intérieure
» (n°66), les forces de l’au-delà
dans « La cité de l’angoisse »
(n°67), le miroir magique dans « Derrière
le miroir » (n°71), la sphère et
l’écharpe magiques dans le beau texte
« Le mystère de l’écharpe
magique » (n°72), les voyages virtuels dans
« Les grands voyages » (n°73) ou dans
« Une ville pas si parfaite » (n°74),
le mythe du prince charmant dans « Le prince
de Shanning » (n°76), la fée «
masculinisée » qui transforme la cité
en paradis dans « Mon rêve d’enfant
qui change ma cité… » (n°80),
l’horrible Hell de « La ville noire et
la ville troglodyte » (n°84), les êtres
suprêmes, les dieux des métaux et la
cavalerie technologie de « La ville technologie
» (n°90), les esprits du bien et du mal
de « Divulgation » (n°91), une histoire
de Babel restituée sous une forme rénovée
dans le beau texte « L’énigmatique
vestige » (n°124) et enfin la pierre de
ressource et l’allée des destins de «
Alangora » (n°132).
« La surprise » (n°42) - « Je
me baladais » (n°53) - « Un étrange
anniversaire » (n°57) - qui décrit
Dagoba, la ville inconnue où Baudelaire est
responsable de la Culture, Che Guevara de l’emploi,
Harry Potter de l’éducation, Einstein
des sciences, Bob Marley conseiller musical, tous
sous la houlette du maire, Ghandi- « Un trop
long sommeil » (n°88) - « Pas
la peine de faire un film » (n°8) -
« Le film » (n°12) - «
Une ville rêvée » (n°120) -
« Realitirêve » (n°125) sont
tous des textes intégrant les concepts de rêve
ou de film pour clore l’intrigue.
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-La drogue, le SIDA, la maladie, la mort
: Le sombre récit de « Junki’s
life » (n°106) conte la déchéance
d’un drogué, réfugié chez
les punks après la mort de ses parents, et
qui choisit d’orienter son destin vers l’overdose,
seul moyen à ses yeux de retrouver la jeune
fille qu’il voit apparaître durant ses
grands voyages.
« Il était une fois un espoir »
(n°149) nous projette dans le New York du futur,
vers le bidonville réservé aux porteurs
du virus du SIDA. Le héros veut faire cesser
cette horrifiante misère afin « de se
réveiller et d’entendre le mélodieux
air que chante la vie ».
« Alikia » (n°64) décrit une
cité sans femmes inspirée des jeux vidéo,
jeux par lesquels l’héroïne mourra,
à défaut de périr du cancer qui
la ronge.
Une note de chaleur dans cette rubrique avec «
Voir, mon rêve » (n°104), histoire
d’une jeune fille qui découvre sa ville
idéale, celle qu’elle ignorait jusqu’à
ce qu’une opération lui permette de recouvrer
la vue.
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-La menace atomique, le terrorisme, le mal-être
des adolescents : Dans « Hiroshima
ou l’horreur des bombes » (n°78),
« Les gens fondaient comme des bougies »,
« La ville était écrasée
comme par un grand pied ».
A « Alone-City » (n°111), Max survit
dans les ruines de sa ville dévastée
après une catastrophe nucléaire, s’adonnant
à la drogue et subsistant au milieu des rats;
il abat des policiers par erreur mais ne regrette
rien car « jamais il ne se soumettra à
l’autorité de cette société
bien ordonnée ».
« Les chemins de Kabylie » (n°85)
nous entraînent au cœur du terrorisme algérien.
Dans « Kim » (n°31), l’héroïne
est partagée entre révolte et sentiment
amoureux : « Elle saignait d’exister,
souffrait de vivre, comme blessée…Elle
pensait … à ces gens qu’elle aimait
tant mais à qui elle en voulait aussi malgré
elle d’être les chaînes qui la rattachaient
à ce monde ».
Dans « Ideolissima » (n°144), le cap
des quinze ans va-t-il permettre à la narratrice
de trouver l’affection ? Une cassette d’anniversaire
sera finalement le détonateur du changement.
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-Le triomphe de la
technologie, les cités de l’espace, les
cités sous-marines, l’Atlantide, la ville
déshumanisée : Les œuvres
« Ma cité imaginaire » (n°41),
« La cité imaginaire » (n°62),
« Identité inconnue » (n°68),
« La ville idéale » (n°81),
« Un étonnant réveil » (n°118),
« Cibervegas » (n°119) décrivent
toutes un monde où la technologie futuriste
est triomphante.
Dans « Quête d’une cité rêvée
» (n°133), Satriane fuit sa cité
où les sages forment les couples pour partir
à la recherche de la cité de l’amour.
L’ordinateur est source du chaos dans «
La ville de feu » (n°135).
Les villes sous marines sont nombreuses dans, notamment
: « Le trou noir » (n°29), «
C’est long un jour » (n°30) - où
le sport de prédilection est le bigorneau-express(
!), - « Le monde inversé » (n°39),
« La disparition » (n°46), «
La ville entourée de verre » (n°96).
Le mythe de l’Atlantide inspire les textes suivants:
« Le dernier jour » (n°82), «
21 Juin 2024 » (n°47), « En bas »
(n°127).)
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-Le monde africain, la vie nomade, l’esclavage
: Dans « Le piège vert »
(n°150), les jeunes de la cité font appel
au vaudou pour lutter contre la pollution.
« Ekwata reine de la nuit » (n°151)
nous conte la lente déchéance d’une
jeune africaine : « Il est des villes où
l’argent a plus de poids que l’amour,
où la nuit est plus divertissante que le jour
et où les relations de famille n’ont
plus cours ».
« Ibekelia, l’espoir » (n°139)
conspue l’absence de projet urbain pour préserver
l’environnement des villes africaines.
« Un rêve perdu » (n°140) met
en cause la transposition du modèle urbain
européen en Afrique où il génère
les mêmes fléaux.
« L’argent ne fait pas le bonheur »
(n°65) décrit les antagonismes des deux
mondes « Europa et Africa » en un récit
critique du sous-développement.
« Galia » (n°138) nous conte la vie
à Mayotte, vie idéale pour la jeune
gabonaise qui est la narratrice du récit.
« Réveil » (n°94) est une ode
splendide au nomadisme : « Enfants du désert,
nous étions si étrangers à la
ville que toutes ces maisons vides et ouvertes au
vent nous enchantaient… ».
« La nuit des esclaves » (n°146) fait
voyager les lecteurs dans le temps et l’espace
jusqu’à un comptoir d’esclaves
brillamment restitué: « Le froid comme
un chant silencieux et envoûtant me happe vers
l’immensité du désert. Mes yeux
croisent alors le sommet des remparts en haut desquels
se dressent les pieux … empêchant les
esclaves … d’être libres ».
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-Le sport : bien que n’étant
jamais le sujet principal, le sport occupe une grande
place dans les textes suivants : « Un jour à
San Siro »(n°28) pour le football, «
Sport ville » (n°33) pour le rugby, «
Etrange disparition » (n°59) pour le basket
; les nouveautés sont à l’honneur
avec le torpball (ballon prisonnier avec des boules
de neige)et le pnaitball (le même mais au laser
et en vaisseau spatial), dans une ville menacée
par une éruption volcanique (« K-M-X
» n°34), le water-polo géant de Metacity,
la ville robotique, apparaît enfin dans «
Une cité de rêve » (n°98)
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-Paris cité idéale de
la francophonie : voilà bien le sujet
à réserver pour la fin de ce survol des
textes de nos candidats juniors 2004 ; il doit permettre
à tous les auteurs de se réconcilier avec
notre français parfois torturé ; qu’ils
songent à tous ces jeunes francophones qui placent
en notre langue une source d’émancipation
!
C’est le cas de la jeune Mexicaine, héroïne
dans « Le rêve parisien » (n°79)
ou de la jeune orpheline africaine qui, dans «
D’ivoire et d’ébène »
(n°77), retrouve à Paris sa famille,
et enfin pour la jeune brésilienne de «
Aujourd’hui et demain » (n°107).Je souhaite
que ce petit inventaire « à la Prévert
», même s’il demeure non exhaustif,
vous fasse imaginer le plaisir que nous avons ressenti,
au jury des lecteurs, à la lecture de tous ces
textes et vous incite à partager la même
joie en parcourant les versions intégrales des
œuvres citées. |
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