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Lettre à mon jardin, mon Ami très cher |
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Ô mon jardin, je ne me lasse pas de te regarder, de t’admirer. Chaque jour qui passe te modifie si peu et tant à la fois. Je t’observe, je te parle ; je fais en sorte d’aller au devant de tes désirs. Tu es bien petit, mon ami, mais combien grandes sont les joies tu as, en dehors de celui de me réjouir le cœur. que tu sais m’apporter. Il me semble parfois surprendre les mots que tu murmures à mon oreille, au tremblement du feuillage dans le vent. Sont-ils des remerciements pour les soins attentifs que j’ai pris plaisir à te prodiguer, au prix d’efforts dépassant quelque peu les limites de mon âge avançant ?
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Et puis, même s’il n’y avait pas de mots, le spectacle que tu m’offres suffit à mon bonheur. À l’éblouissement du matin, succède l’épanouissement du jour, suivi lui-même d’une révérence vespérale à laquelle je m’associe en une prière fervente et reconnaissante envers le Ciel qui veut bien se faire mon allié pour te dorloter. Oui, nous sommes deux, le Ciel et moi - association peut-être prétentieuse de ma part – à te contempler, à nous émerveiller ensemble devant ce miracle chaque jour renouvelé.
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J’allais dire : « Je vais m’adresser à vous, mes protégées » Erreur, vous êtes toutes mes protégées. Un petit faible, cependant, pour toi, la Clématite aux tons pastel d’un mauve si doux, qui pleure ses fleurs envolées. Toi aussi, flamboyant Camélia, à peine es-tu dénudé de tes énormes et lourdes fleurs rouges que déjà tu prépares la saison prochaine, faisant émerger de ton feuillage rutilant les bourgeons prometteurs. Ne croirait-on pas qu’un peintre-jardinier a recouvert tes feuilles d’un vernis magique ? Ici, comme pour s’intégrer à la symphonie des mauves, mes gentilles Campanules des Carpates s’épanouissent en un tapis chatoyant, laissant au deuxième plan leurs aînées, ces Campanules à grosses fleurs et feuilles de pêcher.
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M es Rudbeckias, eux, se ressentent des rigueurs de l’hiver tardif. Ouf ! j’ai eu très peur. Fausse alerte ! Voici qu’ils répondent timidement à l’appel tout en réclamant quelques rayons de soleil qui tardent à se montrer. Patience, mes chéris, le temps d’éclore viendra. Alors là, vous n’en finirez plus de nous ravir de vos pétales dorés, délicatement ordonnancés autour d’un cœur en velours marron, le tout faisant le régal des abeilles. Jusqu’à l’automne vous nous charmerez, laissant au premier plan cette Bruyère, monticule vert aux rondeurs parfaites, englobant un pot de Sempervivum arachnoïdes, que l’on appelle – pour rester simples – petits artichauts recouverts d’une toile d’araignée.
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Et voici que se pose le problème crucial ! Malgré ses dimensions réduites, mon jardin abrite une cinquantaine d’espèces différentes. Alors, comment faire pour qu’il n’y ait pas de jaloux ? Je ne peux citer tout le monde, bien sûr, vous le savez. Je me rassure : j’ai la certitude que les sentiments humains négatifs n’ont pas cours dans le monde végétal. Et pourtant, je m’en voudrais de ne pas saluer ce joli Rosier saumon dont le premier bouton a éclos ce matin, émotion qui comble mon cœur parfois morose. Merci pour la rime !
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Et vous, mes Chèvrefeuilles, qui n’attendez que quelques degrés pour répandre vos senteurs de miel qui se confondront à celles de ma vieille Lavande, toujours fidèle au poste. Et nous, et nous… clament les autres. Mais oui, mes chéries, je vous aime toutes, c’est sûr, mais il est à craindre que l’énumération de toutes vos splendeurs soit impossible sinon fastidieuse. Vous faites un TOUT, vous le savez, et ce tout est mon univers, le lieu de prédilection où mon âme aime à se confondre à la vôtre.
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Pour rester sur le plan des grandes émotions de la Nature, tout en sortant du règne végétal, j’aimerais adresser un salut amical à mes petites Amies du Ciel, je nommerai : les Hirondelles. Tous les ans, je les guette avec ferveur, tant cette migration m’émeut. Symbole de fidélité et de courage… Elles sont arrivées ici cette année le 24 avril, date anniversaire d’évènements douloureux… comme pour mettre un baume sur ma blessure. Merci, petites créatures venues de là-haut. C’est vous qui créez un lien entre le Ciel et la Terre. Je ne me lasserai jamais de vos rondes effrénées, de vos « piqués » surprenants, de vos cris stridents qui s’amplifient vers la tombée du jour.
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Voilà, mon cher Jardin, j’aurais encore tant à te dire mais la Sagesse me souffle d’arrêter. Les choses tues ne sont pas des oublis. Pour finir, je dirai que je t’aime, comme j’aime tous les miens.
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Clémentine |
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